Plusieurs sociétés privées proposent des systèmes gratuits qui permettent de gérer soi-même ses données médicales sur Internet.
Etre alerté automatiquement de ses rendez-vous médicaux ou de la nécessité d'un rappel vaccinal. Bénéficier de conseils personnalisés en fonction de ses facteurs de risque ou de ses maladies. Et plus généralement avoir en permanence à portée de main - ou plutôt de souris - ses principales données médicales, pour les partager avec un médecin aux urgences ou un spécialiste à l'autre bout du monde. Voilà le type de services offerts par les dossiers de santé personnels sur Internet, en plein développement en France. Plusieurs sociétés privées proposent ces carnets de santé interactifs à gérer soi-même en ligne au moment où le dossier médical personnel (DMP) contrôlé par l'État, destiné surtout aux professionnels de santé, démarre doucement (1).
Les Français étaient déjà friands d'informations médicales sur Internet. Ils peuvent désormais remplir et mettre à jour leurs données et les rendre accessibles à un tiers en lui donnant un code d'accès. En quelques mois, les principaux systèmes, Sanoia et Dossier Santé Personnel , tous les deux gratuits, ont déjà séduit plusieurs dizaines de milliers de personnes dans l'Hexagone.
Comparables sur le principe, ils se distinguent par leurs fonctionnalités et leur système d'anonymisation et de confidentialité. Conçu il y a des années par les fondateurs du site Docteurclic, le Dossier Santé Personnel (DSP) a été largement enrichi depuis un an. Il intègre désormais un volet prévention vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires, du diabète et de certains cancers. Pour chacune de ces pathologies, des conseils personnalisés sont délivrés en fonction des antécédents familiaux et personnels, du mode de vie… Le système permet aussi de stocker des documents : radios, scanners, ordonnances ou encore comptes rendus d'examens. Et d'être averti par courriel d'un rendez-vous médical ou d'une actualité.
«Récemment, nous avons lancé une alerte aux personnes nées après 1975 sur le sujet de la rougeole, explique Hervé Huas, l'un des fondateurs de Docteurclic. Nous sommes aussi reliés avec l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé NDLR), ce qui permet d'envoyer un message en temps réel en cas de problème avec un médicament.» La société Santé Assistance, propriétaire du DSP, a déjà noué quelques partenariats, notamment avec l'Institut de formation et de recherche en médecine de montagne (Ifremmont), qui propose une assistance médicale aux individus partant en expédition dans des conditions extrêmes.
La fiche santé Sanoia, mise au point par une association de médecins et d'ingénieurs, a elle été conçue initialement surtout dans une perspective d'utilisation en urgence et pour les maladies chroniques. Elle est ainsi expérimentée en cancérologie pédiatrique à l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif). «C'est un service au patient pour un suivi individualisé après son cancer», précise Hervé Servy, fondateur de sanoia.com, qui cite aussi des collaborations avec des hôpitaux de Marseille, des associations de malades…
L'association est financée par des structures de valorisation de la recherche. «Plusieurs études ont été menées pour évaluer l'intérêt de cet outil pour les malades et les médecins, dans des pathologies chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde ainsi que dans des maladies rares où les patients sont confrontés de plein fouet à la méconnaissance de leur maladie», explique Hervé Servy. Ces travaux font l'objet de publications et de présentations dans des congrès médicaux.
Accessibles depuis peu via le site Doctissimo, les fiches santé Sanoia seront téléchargeables sur téléphone mobile à partir de début mai. Elles peuvent être traduites en quatre langues. Ses concepteurs n'ont pas jugé pertinent de proposer un stockage des examens médicaux.
Sécurité informatique incertaine
Inquiet des dérives commerciales aux États-Unis, Hervé Servy insiste sur la nécessité de garantir l'anonymat et la confidentialité des données. Dans son système de dossier médical qu'il a fait valider par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), les utilisateurs sont identifiés par un mot de passe et un code généré aléatoirement. Ils ne laissent ni informations nominatives, ni adresse électronique à l'inverse de l'inscription au dossier santé personnel de Docteurclic qui nécessite un courriel. «Le pseudo, le mot de passe et l'adresse électronique sont conservés dans trois fichiers différents, ce qui sécurise le système puisqu'il faut deux de ces trois éléments pour accéder au dossier», assure Hervé Huas. L'argumentation laisse cependant sceptiques des experts en sécurité informatique.
En l'absence de garantie absolue concernant la sécurité de ces services, les spécialistes prônent la prudence, tant dans la saisie des données que leur partage. «Ces dossiers peuvent être pratiques, notamment pour les personnes qui voyagent, mais les médecins doivent attirer l'attention de leurs patients sur les risques encourus, insiste le Dr André Desueur, président de la section exercice professionnel du Conseil de l'ordre des médecins. Quand on voit les systèmes de sécurité et de contrôle mis en place pour le DMP, on peut avoir des incertitudes, voire des inquiétudes vis-à-vis d'un hébergement privé.» Récemment, le Conseil de l'ordre a appelé à un débat public sur la question plus globale de la protection des données de santé informatisées.
Des données très convoitées
Healthvault, Google Health ou encore Patientslikeme… les dossiers médicaux personnels en ligne et les communautés virtuelles de patients sont déjà bien développés aux États-Unis. Plusieurs grandes firmes pharmaceutiques ont tissé des partenariats avec ces sociétés commerciales, ce qui leur permet de récupérer des informations - a priori anonymes - précieuses concernant des groupes de malades.
Malheureusement, ces sites peuvent être piratés. En octobre dernier, le Wall Street Journal a révélé que la plate-forme Patientslikeme avait fait l'objet d'un vol massif de données par le robot informatique d'une société revendant ce type d'informations. Le processus a finalement été stoppé à temps, mais certains participants aux forums de ce site ont eu quelques sueurs froides en réalisant que leur identité pouvait être facilement retrouvée. «Face à la candeur avec laquelle les personnes disséminent leurs données sur les réseaux sociaux, il faut être vigilant, d'autant que ces firmes américaines cherchent à s'implanter en France», prévient Hervé Servy.
Les réseaux sociaux destinés aux patients et à leurs proches comme le site Carenity.com, ouvert il y a quelques semaines, sont déjà implantés dans notre pays.
Source : http://www.lefigaro.fr/sante/2011/04/25/01004-20110425ARTFIG00444-l-irresistible-essor-des-carnets-de-sante-en-ligne.php
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