Tout en poursuivant activement, sur le long terme, leurs recherches pour parvenir à produire à un prix compétitif un véhicule à pile à combustible à l’horizon 2030, les grands constructeurs automobiles japonais, qui dominent déjà le marché mondial du véhicule hybride, lancent, l’un après l’autre, leurs voitures électriques sur le marché. Mitsubishi Motors vient de présenter son "iMiEV", qui sera mis en vente en juillet. Cette voiture à quatre places est équipée de batteries lithium-ion qui sont rechargeables sur des prises domestiques et dont l’autonomie est de 160 kilomètres.
C’est la première voiture de ce type au monde à être produite en série. Par ailleurs, Fuji Heavy Industry commencera à livrer la "Plug-in Stella" à la fin du mois de juillet 2009. L’autonomie du véhicule atteindra 90 km grâce à un pack batteries li-ion de 9 kWh qui comprendra 16 modules montés en série.
Grâce à une borne de recharge rapide, la Stella pourra récupérer 80 % de son énergie en 15 minutes tandis qu’une recharge traditionnelle prendra 5 à 8 heures selon le type de prise utilisé. Toyota, quant à lui, envisage de lancer une voiture électrique sur le marché japonais au cours de cette année et sur le marché américain avant la fin 2012. Bien que leur prix de vente demeure plus élevé que celui des autres types de voitures et que leur autonomie soit moins importante, les voitures électriques s’imposent de plus, surtout en milieu urbain, comme solution de déplacement respectueuse de l’environnement.
L’Alliance Renault-Nissan vient pour sa part d’annoncer un investissement d’un milliard d’euros pour son projet de véhicules électriques. Nissan entend lancer son premier véhicule entièrement électrique aux États-Unis et au Japon en 2010, puis le commercialiser massivement à l’échelle mondiale à partir de 2012. Le Professeur Yoshihisa MURASAWA de l’Université de Tôkyô, spécialiste de la stratégie des entreprises, souligne que "Les constructeurs automobiles, en utilisant la convergence des technologies mécaniques et électroniques (mécatroniques) ont mis au point leurs technologies et accumulé leur savoir-faire au cours des années du développement des voitures à essence".
Mais l’industrie nipponne ne compte pas en rester là et veut conforter son avance technologique dans le domaine du véhicule « tout électrique ». Cinq constructeurs automobiles, dont Toyota et Nissan, sept fabricants de batteries et dix universités et instituts de recherche se lanceront conjointement dans le développement de batteries de prochaine génération.
Il s’agit d’un projet de sept ans financé par le METI, via la NEDO, avec un budget total d’environ 21 milliards de yen (environ 155 millions d’euros). Ce projet a pour objectif de tripler l’autonomie de la voiture électrique d’ici 2020. Sur le marché international de la batterie, la concurrence devient de plus en plus forte par suite de l’augmentation des demandes pour des mesures de lutte contre le réchauffement climatique.
Devant cette situation, le Gouvernement souhaite renforcer la compétitivité des entreprises japonaises en les invitant à participer à ce projet. Dans le centre de recherche qui sera mis en place au sein de l’Université de Kyôto, une cinquantaine de personnes venant des organismes participants, travailleront à plein temps pour développer des technologies fondamentales nécessaires à leur objectif commun.
L’autonomie actuelle des voitures électriques équipées de batteries lithium-ion est de 100 kilomètres pour les véhicules de taille moyenne et de 150 kilomètres pour les véhicules de petite taille, ce qui est nettement plus faible que celle des véhicules à essence dont l’autonomie est de plus de 500 kilomètres. Ce projet aura pour objectif de développer des technologies qui devraient permettre d’accumuler trois fois plus d’électricité par kilogramme de batterie.
Plus concrètement, il étudiera les mécanismes de la dégradation des matériaux en utilisant les installations d’analyse les plus avancées au Japon comme "Spring-8", grand synchrotron situé dans le département de Hyôgo, et il observera en temps réel le mouvement des ions lithium.
De telles recherches fondamentales nécessitent un budget de recherche important et une R&D de longue durée. Les entreprises participantes, qui effectuent actuellement leur R&D chacune de leur côté, ont estimé que la participation au projet serait une façon plus efficace et plus économique d’atteindre leur objectif.
En utilisant les données obtenues lors des recherches communes, les matériaux optimaux seront conçus et utilisés pour produire un prototype de batterie lithium-ion de petite taille avant 2015. En parallèle, des recherches sur un autre type de batterie devraient permettre d’atteindre une autonomie de 500 kilomètres après 2020. Les technologies développées seront appliquées également à d’autres produits, comme un accumulateur d’électricité installé dans les maisons particulières.
Mais, comme toujours, c’est le prix qui constituera le plus puissant facteur d’attractivité pour le consommateur : une étude révèle qu’une majorité serait prête à acheter une voiture qui n’émet pas de CO2 si elle ne coûte pas plus de 15.000 euros. On voit donc le défi que s’est fixé le Japon : fabriquer en 2020 un véhicule électrique d’une autonomie de 500 km coûtant moins de 15 000 euros et pouvant se recharger en quelques minutes.
Pour parvenir à relever un tel défi, le Japon a su non seulement unir sa recherche publique et industrielle mais mobiliser toutes les ressources de sa recherche fondamentale. Souhaitons que l’Europe sache allier de manière aussi efficace pragmatisme et vision à long terme si nous voulons rester dans la course mondiale du véhicule propre qui constitue un des enjeux techno-industriel majeur de ce siècle.
René Trégouët
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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